Les ambitions de l'auteur


Je n’ai jamais voulu écrire de polar. Je n’ai jamais voulu écrire de polar. Je n’ai jamais voulu écrire de polar.
Par contre, le polar – ou plutôt le roman noir – a fini par sembler la forme vivante la plus  accueillante pour la chose qui a pris consistance progressivement : une synthèse entre un roman social minimaliste et un récit politique, sans doute. Autant faire deux romans en un, car le lecteur a autre chose à foutre que lire des niaiseries déjà vues, déjà lues. Il vaut mieux mater du rugby à la télévision ou picoler avec des clodos.


Autrement dit :
Primo, la littérature française ronronne, avec sa modération petite-bourgeoise et ses romans intimes pleins de drames personnels oh la la tellement authentiques… Comme lecteur, elle me frustre, et je préfère relire Moby Dick, Gargantua ou D. Hammett qu’ouvrir une fadaise de chez Minuit. Le roman noir permet en revanche d’accumuler de la matière, de donner à bouffer au lecteur, de parler du monde actuel.
Secundo, la littérature française nous endort, y compris le polar. Elle nous étouffe par manque de densité, de densité, de densité. J’emmerde joyeusement les paragraphes courts, le présent de l’indicatif, le « je », la psychologie et les pages remplies de dialogues. L’invention permanente du mot, de l’image et de la structure, voilà une exigence qui manque aux « écrivains » qui remplissent les rayons.
--- De plus, le polar (la littérature en général, les essais historiques, les discours politiques traditionnels) est obsédé, soit par la vie quotidienne des CSP+, soit par des passés désormais anciens (la deuxième guerre mondiale, mai 68, la Commune ou que sais-je) ; Daeninckx, par exemple, devrait tout de même finir par apprendre que le monde a continué d’évoluer, depuis les années 70 (autrement dit, bis : le néo-polar a fini par rejoindre Simenon de la même manière que les films d’Assayas rejoignent la qualité française).
Le polar et le reste ignorent donc, et méprisent, la réalité violente, précaire et aliénée, voire stupide, de la très grande majorité des membres de notre petite société. Les montrer est la seule fonction politique de Je suis un terroriste et son unique ambition discursive.

Ne pas mépriser le lecteur, en somme ; car il mérite beaucoup mieux que ce qu’il trouve généralement dans les librairies.
Quant à moi, je n’ai cherché rien d’autre qu’à écrire un livre que j’aurais aimé lire et qui n’existait pas. Mieux écrit, plus intelligent et plus fort. Mes ambitions personnelles ne comptent pas, quoique cette affirmation puisse ressembler à une pose. Mes livres méritent de vivre car ils sont exigeants, voilà ma seule ambition, qui est déjà énorme.
Avec un peu d’humour peut-être – forcément noir.
Je suis un terroriste est une pure fiction,  Je suis un terroriste est une pure fiction,  Je suis un terroriste est une pure fiction.